Il est l’exemple type de l’entrepreneur qui a réussi dans son domaine. Il a réussi à faire du tissage qui est classé dans l’informel, une entreprise pérenne. Il s’agit bien sûr de Monsieur Soumana Mama. Tisserand de profession, DG de CAFTIS, un Centre Artisanal de Formation et de Tissage qui est spécialisé dans la production des pagnes ; des robes ; des boubous et d’autres tenues traditionnelles depuis 13 ans. Il possède à son actif 11 centres et plus de 300 apprenants à travers le pays. Comment a-t-il pu arriver à un tel niveau ? Quels sont ses secrets et ambitions ? Autant de questions abordées par Soumana, le président national des tisserands au Togo dans une interview accordée à Civilemagazine. « Je veux dire aux jeunes qu’il n y a pas de sous-métier ; j’exhorte aussi la population à encourager la candidature masculine dans le tissage des pagnes », dit-il. Lisez l’intégralité de son interview.
Comment se porte CAFTIS ?
Nous pouvons dire que CAFTIS se porte plus ou moins bien parce que vous savez tous que nous avons rencontré quelques difficultés en terme sanitaire de 2019 à 2022 aucune entreprise ne peut dire qu’elle a pu échapper à ces velléités, et donc qui nous ont ramener un peu en arrière dans la progression par rapport à la croissance de notre entreprise mais étant donné que nous somme des avertis nous avons su quand même qu’il fallait tourner autrement les choses en innovant ce que nous sommes en train de faire ce qui nous a amenés à diversifier certaines activités au sein de l’entreprise pour permettre de combler les trous qui sont creusés par la pandémie. Soulignons aussi la situation sécuritaire puisque l’entreprise se trouve à Dapaong.
Parlez-nous de vos débuts Monsieur Soumana
Mes débuts n’étaient pas du tout faciles mais je le résume en 3 points. Apres mon bac 2 je n’avais même pas l’argent pour m’inscrit à l’université, j’étais obligé donc de descendre au sud du pays pour faire les manœuvre(les champs d’ananas, manioc,…) c’était pas du tout aisé. Mais au même moment j’ai vu le tissage des pagnes traditionnels qui est très développé au nord du pays qui m’a attiré car moi-même je suis un enfant des parents Tisserands. je me suis dit alors que je peux hériter du travail de mes grands-parents mais en le faisant autrement.
J’ai alors suivi une formation qui a pris fin en 2006 et je me suis rendu à Dapaong ou j’ai commencé à sensibiliser les sous-chefs de la localité en leur demandant de m’envoyer les enfants à qui je vais transmettre mon savoir-faire gratuitement, ça a été fait. J’ai alors commencé avec 9 filles et 5 garçons.
C’est vrai que le début étais timide mais de nos jours on peut s’en féliciter car chaque pierre qu’on peut soulever il y a toujours un ou une Tisserand. Chaque année nous arrivons à produire 1000 tisserands à travers le pays, c’est vraiment un grand atout pour le pays.
Monsieur Soumana Mama, beaucoup placent l’artisanat dans l’informel, mais vous, vous en avez fait une entreprise pérenne, Comment avez-vous pu réaliser cela ?
Effectivement l’informel au Togo a été considéré comme un secteur plus ou moins formel ou informel parce que les gens sont ignorants de ce concept de mots donc arrivé à un moment donné nos autorités compétentes ont su faciliter l’accès à des services au point où beaucoup de jeunes entrepreneurs ont compris que c’est bien de se faire formaliser sinon vu les tracasseries, les difficultés qu’on devrait rencontrer pour accéder à ces précieux papiers, les gens préféraient rester dans l’informel. L’autre aspect c’est parce que les taxes liées à ces formalités revenaient trop chères à des entrepreneurs qui voulaient vraiment s’installer, ce qui fait que beaucoup souhaitent rester dans l’informel, mais moi, je l’ai fait parce que j’ai compris que si je veux vraiment demander quelque chose à l’Etat, il faudrait que je lui apporte quelque chose d’abord. Ce quelque chose, c’est forcément ces papiers de formalité.
Quelle est votre spécialité de tissage Monsieur Soumana?
Je n’ai pas de spécialité de tissage parce que je me dis que le tissage c’est un domaine très vaste. Par exemple je fais la technique Burkinabè, ghanéenne, Togolaise… il y a plus de 5000 motifs dans le tissage des pagnes traditionnels et donc tout cela part de comment il faut d’abord faire la chaine des fils, comment les mettre dans les lisses, comment alourdir les fils. Il y a des motifs que tu peux faire en écrivant ou en dessinant donc je dirais il faut avoir de la sagesse et de la créativité. Le tissage des pagnes traditionnelles est un domaine de créativité.
A ce jour, qu’est-ce que CAFTIS offre comme produit ?
A ce jour, CAFTIS offre beaucoup de gamme de produits comme les boubous, pagnes et robes traditionnelles (homme, enfant, dame). CAFTIS fait également de la teinture des tissus jusqu’à la conception des habits, des pagnes, des robes et autres. Nous faisons également de la haute couture avec les pagnes tissés, même la cordonnerie. CAFTIS va un peu plus loin pour faire d’autres choses comme de la pommade, du beurre de karité, du jus à partir des fruits. Nous faisons aussi un peu de saponification, nous avons même fait sortir un savon à base du moringa et du miel.
Quelles sont vos difficultés dans ce métier ?
Les difficultés sont énormes, nous avons des difficultés en terme de matières premières parce que nous n’en produisons pas au Togo. Un problème gigantesque qui conditionne la survie du tissage des pagnes traditionnels au Togo c’est le débouché, les Togolais n’ont pas encore l’amour de consommer ce qui est Togolais, ils veulent ce qui est importé et enfin le développement des équipements qui sont plus ou moins adaptés. Nous avons besoin des équipements améliorés pour être au même diapason que les autres pays voir même les dépasser parce que nous avons plus de chances qu’eux avec la main d’œuvre qui s’augmente de jour en jour Togo. Alors qu’elle diminue ailleurs, donc nous pourrions saisir cette opportunité pour développer encore plus rapidement le tissage.
En tant que professionnel, Monsieur Soumana pouvez-vous affirmer que ce métier peut nourrir valablement son homme ?
Oui bien sûr ça me nourrit déjà c’est pour ça que j’ai eu la chance de venir jusqu’à votre journal. Je me dis que le tissage des pagnes traditionnels quoi qu’on dise nourrit déjà son homme parce que moi j’en ai formé plus de 500 voir 1000 dans les 5 dernières années et chacun a pu se payer une moto ou un démis lot à Dapaong. La majorité ce sont des femmes parce que dans la région des savanes nous avons plus de 90% de femmes qui s’intéressent au tissage.
Quelles sont vos ambitions ?
Mes ambitions sont grandes. J’ai besoin que le Togo devienne une plateforme internationale des pagnes tissés parce que nous avons plus de 12000 tisserands au Togo qui peuvent s’assoir et imposer maintenant les choses. Je voudrais aussi souhaiter que les Nana Benz reviennent vers nous aux lieux d’investirent dans les pagnes venus de Turquie et de la Chine; Comme ça on pourrait imposer le Togo comme un modèle.
Un message à l’endroit des jeunes et des autorités ?
Je veux dire aux jeunes qu’il n y a pas de sous métier ; j’exhorte aussi la population à encourager la candidature masculine dans le tissage des pagnes. J’ai besoin aussi que l’Etat puisse vraiment prendre en compte les tisserands car 12 000, c’est énorme.