La cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a pris une décision historique jeudi, le 23 janvier 2025 en jugeant qu’une française de 69 ans n’était pas « fautive » parce qu’elle avait cessé d’avoir des relations sexuelles. Or, la justice française l’avait reconnue fautive pour avoir refusé les relations sexuelles.
La justice française avait considéré que les relations sexuelles dans le mariage est un devoir conjugal. Dans le droit français, le devoir conjugal implique le “droit de disposer du corps de l’autre”. Le refus de se plier à cette exigence peut entraîner le divorce pour faute selon un droit français qui peine à évoluer en matière du droit civil.
En effet selon l’article 242 du code civil français : “le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.”
Il est judicieux de faire remarquer que l’obligation de relations sexuelle est un concept d’origine jurisprudentielle. C’est une partie du devoir conjugal, il faut le préciser, est une vision chrétienne et conservatrice, pour ne pas dire archaïque du mariage. De toute évidence, le Code civil n’affirme pas explicitement cette obligation.
Pour la CEDH, la France en prononçant le divorce aux torts exclusifs de la requérante de 69 ans, à la demande du mari, au motif qu’elle avait cessé d’avoir des relations sexuelles avec lui depuis plusieurs années, a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.
Une femme qui refuse des rapports sexuels à son mari ne doit pas être considérée par la justice comme « fautive » en cas de divorce, a tranché la CEDH. Ainsi, on ne se marie pas seulement pour les rapports sexuels. « J’espère que cette décision marquera un tournant dans la lutte pour les droits des femmes en France », a réagi la requérante dans un communiqué.
Par ailleurs, cette décision aura une incidence sur la notion de consentement au mariage et ses implications. Si pour le droit français, le consentement au mariage implique le consentement aux rapports sexuels, la CEDH au contraire, affirme que cette disposition “serait de nature à ôter au viol conjugal son caractère répréhensible.”
L’affaire avait débuté lorsque cette habitante du Chesnay (Yvelines) avait demandé le divorce, en 2012. En 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles avait estimé que le divorce ne pouvait pas être prononcé pour faute et que les problèmes de santé de l’épouse étaient de nature à justifier l’absence durable de sexualité au sein du couple.
Mais en 2019, la Cour d’appel de Versailles avait prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’épouse, considérant que son refus de relations intimes avec son mari constituait « une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ».
La femme a déclaré qu’elle avait cessé d’avoir des relations sexuelles à partir de 2004 en raison de problèmes de santé et des mauvais traitements infligés par son mari. C’est ce qui fait réagir deux associations de défense des droits des femmes qui l’ont soutenue, la Fondation des Femmes et le Collectif Féministe Contre le Viol. Elles ont fait une déclaration commune en 2021 affirmant que « Le mariage n’est pas et ne doit pas être une servitude sexuelle ».

